En notre qualité de quotidien d’analyse, nos recherches nous a conduits vers une personnalité discrète, un Zokibe, qui a vécu en tant que témoin des périodes difficiles traversées par le pays. Il s’agit de M. Ralaialitiana Andrianarisoa, un vieux routier du haut de ses 78 ans. Il a accepté de répondre à nos questions. Interview.
La Vérité (+) : Avant de nous livrer votre analyse, pourriez-vous retracer votre parcours personnel ?
R.A (=) : Après avoir obtenu mon Bac Première partie, j’ai débuté ma carrière professionnelle en 1966 au ministère des Finances (Direction des Impôts) qui fut interrompue par mon admission au concours d’entrée à l’Ecole Nationale d’Administration (section diplomatique) après avoir réussi mon Bac Deuxième partie.
Par la suite, j’ai travaillé au ministère du Développement rural en tant que chef de service de liaison avec les organismes internationaux (FAO – PNUD - Banque mondiale...)
Après avoir suivi un stage en Roumanie (Bucarest) en 1973, j’étais parmi ceux à qui le Gouvernement Ramanantsoa a confié la création de la Société d’Intérêt National pour les Produits Agricoles (SINPA) et y travaillait par la suite comme étant le directeur des Etudes et Programmes.
A compter de 1978, j’ai travaillé à la Compagnie Nationale d’Assurances et de Réassurances Ny Havana successivement comme directeur Technique et DGA jusqu’en janvier 2001.
(+) : Quelle lecture donnez-vous au contexte politique actuel ?
(=) : Notre pays traverse actuellement une période assez difficile à laquelle il faut faire face avec détermination. La politique économique engagée actuellement par le pouvoir semble inquiéter certains esprits nostalgiques.
La situation actuelle me fait penser à la période d’avant la création des sociétés d’Etat par le Gouvernement du Général Ramanantsoa. En effet, le secteur économique était dominé par des grandes compagnies étrangères à savoir les Compagnies françaises telles la CMM (Compagnie Marseillaise de Madagascar), la Compagnie Lyonnaise qui détenaient le monopole de la collecte, de la commercialisation des produits agricoles et la distribution des produits de première nécessité (PPN) tels l’huile, sucre, savon, etc. Ces sociétés déterminaient ainsi les prix au détriment aussi bien des paysans producteurs que des consommateurs ... C’était dans ce contexte que les différentes sociétés étrangères ont été nationalisées (Eau et Electricité de Madagascar, les Banques, les Assurances, la CMM, la Lyonnaise…Les entreprises étrangères assurant la distribution du pétrole ...). Ceci a amené, par ailleurs, le pouvoir à créer des sociétés d’intérêt national parmi lesquelles la SINPA qui travaillait avec le Fokonolona par l’intermédiaire de sa structure d’opération le VATOEKA (Vaomieran’ny Toe-Karena) dont le colonel Ratsimandrava, ministre de l’Intérieur, fut le promoteur. Il était surtout connu par les concitoyens de par son fameux « Ala-olana », émission quotidienne diffusée à la Radio Nationale.
Le monopole de la commercialisation étant confié à la SINPA depuis la collecte, le stockage, l’usinage, la distribution et l’importation du riz. Cette société était appelée à travailler étroitement avec le VATOEKA pour effectuer la collecte du paddy moyennant perception d’une commission de 2,50F allouée pour chaque kilo collecté et pour chaque kilo de riz vendu dans les points de vente des Fokontany qui pouvaient le faire.
Cette politique a l’avantage de permettre aux collectivités de base, le Fokonolona, de maîtriser son développement. Et la collaboration avec la SINPA permit aux paysans producteurs de vendre leurs produits à un prix rémunérateur et convenable (prix fixé officiellement et uniformément dans tous les centres d’achat), l’uniformisation du prix du riz à la consommation au niveau des chefs-lieux de sous-Préfectures déterminés comme centres d’éclatement, évitant ainsi la hausse du prix du riz et d’atténuer par conséquent la hausse du coût de la vie.
Ces différentes mesures prises concernant le riz, et certainement la décision de confier son importation à la SINPA, seraient à l’origine du déclenchement de l’assassinat du colonel Ratsimandrava.
La mise en cause des intérêts économiques de sociétés étrangères entrainait à chaque fois la déstabilisation du régime et aboutirait soit au renversement du pouvoir en place, soit à l’élimination physique de celui qui détient le pouvoir.
Par la suite, l’on ne pouvait pas s’empêcher de se demander s’il n’y aurait pas un lien entre la tentative actuelle de déstabilisation et d’assassinat du Président Rajoelina et le refus du pouvoir de régler les réclamations exorbitantes et infondées menaçant l’existence de Ny Havana concernant l’affaire Société Polo Garment à Majunga (PGM), pillée et incendiée le 27 janvier 2009.
Il faut rappeler que le Président de la transition, l’actuel Chef d’Etat, a essayé de sauver la Compagnie d’Assurances Ny Havana par l’intermédiaire du ministre de la Justice par la suspension de l’exécution à la suite du Pouvoir intenté dans l’intérêt de la loi (PIL).
L’on se rappelle également que cette affaire a fait l’objet de beaucoup de tapage médiatique aussi bien sur le plan international que national, des contacts diplomatiques auprès du Royaume de Belgique, d’actions entreprises par PGM contre la République de Madagascar auprès de la Chambre Arbitrale saisie sur la base de l’Accord conclu le 29 sept 2005 entre le Gouvernement Malgache et l’Union Eco.Belgo-Luxembourgeoise (UEBL), sous prétexte de la non-application de l’Accord sus-mentionné concernant la protection des Investissements. Ils estiment que l’Etat Malgache a violé, semble-t-il l’art.3 de l’Accord du 29/9/2005.
Il faut remarquer, toutefois, que devant le blocage de l’exécution de la décision de l’Arrêt par le Pouvoir (PIL), la PGM, pour se faire régler, tente de dénaturer les faits dans le but d’engager l’Etat malgache et non Ny Havana dans le remboursement (paiement du sinistre bloqué par le PIL). Ceci est justifié dans la modification de l’intitulé des parties au procès : « Affaire PG (Etat Belge) /Ny Havana Etat Malgache ».
(+) : En tant que Zokibe dont le pays a reconnu les bons et loyaux services rendus à travers le Grand Croix de 2ème Classe (J.O. du 28 octobre 2020), quelles consignes sinon recommandations voulez-vous transmettre ?
(=) : Il faut assurer par tous les moyens la protection du Président de la République, élu par le peuple. Celui-ci se doit de l’aider dans la mission difficile qu’il s’est assignée.
L’Etat doit reprendre en main les secteurs clés jugés stratégiques pour l’intérêt national par la recréation d’entreprises d’Etat ou société d’Economie mixte dissoutes à la suite de la libéralisation et privatisation imposée par les bailleurs de fonds et opérant dans l’Importation et la distribution du riz jusqu’au niveau des centres d’éclatement déterminés dans le but d’uniformisation progressive des prix du riz (ou autres) à la consommation, l’exploitation de nos richesses minerais (Pétrole, gaz ...)
Il faut aussi la redynamisation des sociétés d’Etat épargnées par le mouvement de privatisation (JIRAMA – AIRMAD – Postes et Télécommunications – Caisse d’Epargne, Compagnie Nationale d’Assurances et de Réassurances : ARO et Ny Havana ...)
Concernant le secteur des Assurances, en particulier, il faut tirer profit des dispositions du traité du 29 septembre 2005 concernant la protection des Investissements à Madagascar par l’application effective des dispositions de la Loi portant Code des Assurances relative à l’obligation pour les investisseurs étrangers d’assurer à Madagascar les risques situés à Madagascar, interdisant ainsi la souscription d’assurance à l’extérieur (Loi n°99-013 portant Code des Assurances)
Concernant l’Affaire Polo Garment, nous suggérons de ne pas lever le Pouvoir pour l’intérêt de la Loi (PIL) afin de ne pas régler le sinistre non fondé : l’Etat malgache n’a pas conclu un contrat d’assurances avec PGM, les parties contractantes étant l’Entreprise industrielle PGM et la Compagnie d’Assurances NY HAVANA. Et selon la Loi 66003 du 02/07/66 relative à la Théorie Générales des obligations dans son art.129 « Les contrats ne produisent d’effets qu’entre les parties contractantes. Les situations juridiques qu’ils créent doivent être respectées par les tiers » ; le sinistre n’est pas garanti ; il y a d’autres motifs pour ne pas régler.
Le règlement éventuel des condamnations poserait des problèmes : un précédent juridique (jurisprudence sur la distinction entre le sinistre d’origine incendie ou vol classique et les incendies, pillage à la suite des mouvements populaires (grève, émeutes et mouvements populaires) ; un précédent juridique à impact politique et économique (d’autres entreprises victimes d’incendie et acte de vandalisme lors des événements de 2009 et non assurées vont engager des réclamations) et enfin la condamnation de Ny Havana (ou l’Etat ??) à payer, entraînerait inéluctablement la faillite de celle-ci et aurait également des répercussions sur la Compagnie ARO qui a des clients importants dont les sinistres ne sont pas garantis.
(+) : Merci pour ces explications éclairées et approfondies. Pour conclure, votre mot de la fin ?
(=) : C’est ma conviction religieuse – Ezéckiel 33/6 : « Si la sentinelle voit venir l’épée et ne sonne pas de la trompette, si le peuple n’est pas averti et que l’épée vienne prendre la vie à quelqu’un, cette personne mourra à cause de ses fautes, mais je réclamerai son sang à la sentinelle ».
Et ma conviction citoyenne qui me pousse à apporter ma modeste contribution pour soutenir le Président Rajoelina dans sa mission de redressement du pays.
Propos recueillis par Ndrianaivo